Il y a deux ans, alors que j’en avais marre de l’hiver qui s’éternisait, je suis tombée sur un article parlant du défi Canada 150 de la Rideau Trail, qui consistait à parcourir 150 kilomètres sur le sentier. Je ne connaissais pas la Rideau Trail à cette époque, mais le défi m’a immédiatement intéressée. Quelle belle façon d’occuper mes fins de semaine en plus de découvrir davantage ma région!
J’ai donc parcouru 150 kilomètres sur le sentier, puis l’année suivante j’ai décidé de poursuivre sur ma lancée et d’en parcourir 150 de plus. Il y a un peu plus d’une semaine, j’arrivais enfin à Kingston et à la fin du sentier.
J’ai encore de la difficulté à croire qu’un projet entamé sur un coup de tête il y a deux ans m’a fait parcourir à pied plus de 300 kilomètres à travers l’Est ontarien. Même s’il y a eu des moments plus difficiles, même si j’ai douté à certains moments de ma motivation à me rendre jusqu’à la fin du sentier, je ne regrette en rien l’expérience.
Au-delà de cette réalisation, j’en ressors aussi grandie. Je partage ici certains apprentissages tirés de ma randonnée d’un bout à l’autre de la Rideau Trail.
La Rideau Trail, c’est plus que le canal Rideau.
La Rideau Trail (ou Sentier Rideau) tire son nom du canal du même nom qui relie Ottawa à Kingston dans l’Est ontarien. J’ai commencé ma randonnée là où le canal se jette dans la rivière des Outaouais à Ottawa et je l’ai terminée à Kingston, non loin de l’endroit où le canal rencontre le lac Ontario.
Mais la Rideau Trail ne fait pas que suivre le canal. Elle suit aussi certains de ses tributaires et traverse des points d’intérêts dans la région et des aires de conservation significatives. Grâce à la Rideau Trail, j’ai découvert deux parcs provinciaux, des marais, des forêts, des lacs, des villages et même une ancienne zone minière!

La Rideau Trail est un excellent cours d’histoire de la région.
Le canal Rideau a eu une importance significative pour la région. Construit tout d’abord pour des raisons militaires (on voulait se préparer en cas d’invasion des Américains), le canal a surtout servi au développement économique de la région. Plusieurs villes et villages sont nés sur ses berges (dont Ottawa) et il a permis le développement de l’industrie forestière et minière dans la région (en fait, la randonnée sur la Rideau Trail m’a permis d’apprendre que l’Est ontarien avait été l’une des premières régions minières au pays!).
La Rideau Trail relie en plus deux villes significatives dans l’histoire du Canada. Kingston (qui a été la première capitale du Canada) et Ottawa (la capitale présentement). Le sentier passe près du Parlement et de la Cour suprême à Ottawa, et près de la tombe du premier premier ministre du Canada, Sir John A. MacDonald, à Kingston. On ne peut pas faire plus Canadien que ça!

L’Est ontarien est beaucoup moins plat que je le pensais.
Je suis née dans la région et j’ai souvent l’impression que je la connais comme le fond de ma poche. Pour moi l’Est ontarien rime avec champs agricoles, fermes, boisés et marais. Et c’est à peu près le paysage auquel j’ai eu droit sur le sentier jusqu’à Perth.
Après Perth, le parcours est devenu plus accidenté. Il y a eu quelques montées et descentes, au début plutôt négligeables, puis un peu plus abruptes. La Rideau Trail traverse le plateau du lac Big Rideau, passe par le mont Foley et suit les crêtes rocheuses du parc provincial Frontenac.
Le plus haut point de la Rideau Trail est situé à 203 mètres d’altitude. C’est peu quand on y pense, mais la Rideau Trail a quand même mis mes mollets à l’épreuve à quelques endroits. En fait, pas mal plus que ce à quoi je m’attendais.

Le sentier est une excellente initiation à la faune et à la flore de la région.
J’ai parlé de l’histoire, j’ai parlé de la topographie. Mais il faut que je parle de la nature. Comme je l’ai écrit plus haut, pour moi l’Est ontarien rimait avec champs agricoles. Je n’ai jamais perçu notre région comme disposant d’une vaste richesse naturelle. La Rideau Trail m’a détrompée.
En fait, ce qu’il y a de génial avec le sentier, c’est qu’il passe par différents écosystèmes. Pinèdes, marécages, forêts, étangs aux castors, érablières, clairières, lacs, plateaux rocheux… J’ai été étonnée par la diversité des paysages, de la flore et de la faune. J’y ai croisé plusieurs chouettes, hérons, faucons, pics, dindes sauvages et même un urubu à tête rouge. J’ai vu une multitude de tortues, de grenouilles et de salamandres. J’y ai aussi vu une trentaine de cerfs, 17 serpents (oui, je les ai tous comptés), deux porcs-épics, un renard et… un ours noir.

Le sentier est agréable en toute saison.
Le printemps est idéal pour l’observation de la faune et les températures plus fraîches, l’été pour la chaleur et la végétation plus dense, l’automne pour les couleurs et l’hiver pour la luminosité et la neige. Personnellement, j’ai préféré l’automne parce que les paysages sont sublimes et les moustiques ont disparu.

Suivre la Rideau Trail est addictif.
J’ai été conquise dès les premiers kilomètres. Il faut dire que le sentier est plutôt facile à suivre. Il est bien balisé, des triangles orange indiquant la voie à suivre (les triangles orange pleins indiquent la direction vers Kingston, ceux avec une pointe jaune indiquent le chemin vers Ottawa). Pas vraiment besoin de cartes ou de boussoles, suffit de repérer les triangles (mais je conseillerais tout de même de se familiariser avec les cartes du sentier en ligne).
Pour moi qui effectuais mes premiers pas sur un sentier de longue distance, la Rideau Trail m’a offert une belle première expérience et m’a donné le goût de continuer encore et encore.

Parcourir la Rideau Trail est un défi logistique.
Le sentier ne représente peut-être pas un gros défi physiquement, mais il demande un peu d’organisation logistique. L’hébergement et les terrains de camping le long du sentier sont plutôt limités donc si vous avez l’intention de parcourir tout le sentier d’un coup, il faudra vous organiser d’avance pour trouver où passer la nuit.
De mon côté, je n’ai fait que des randonnées d’une journée, reprenant mon parcours sur la Rideau Trail au point où je l’avais laissé la dernière fois. Mais ça aussi, ça m’a demandé de l’organisation. À Ottawa et à Kingston, j’ai pu utiliser le transport en commun pour me rendre vers le sentier et en revenir. Mais à l’extérieur de ces deux zones urbaines, ça s’est compliqué un peu.
Comment j’ai fait? La plupart du temps, j’ai trouvé un endroit où stationner ma voiture et j’ai tenté de parcourir le plus de kilomètres possible en une journée en calculant le fait qu’il me faudrait éventuellement revenir à ma voiture. À certaines occasions, j’ai aussi demandé à mon copain de venir me porter ou me chercher au sentier.
J’ai aussi toujours veillé à avoir assez d’eau et de nourriture sur moi pour la journée, comme les points de ravitaillement sont plutôt rares sur le sentier.

Mes bottes imperméables sont mes meilleures amies.
Quand j’ai commencé la randonnée, j’étais plutôt mal équipée. J’avais des souliers de marche qui étaient appropriés pour la portion à Ottawa, mais une fois hors de la ville je me suis rendu compte que mes souliers ne faisaient pas le poids face aux sections inondées du sentier. Et il y en a eu beaucoup de ces sections. Je me rappelle une fois plus particulièrement, au nord de Richmond, où je me suis retrouvée dans l’eau jusqu’aux genoux. Mes souliers glissaient constamment dans la vase et j’ai bien failli abandonner totalement mon projet de randonnée sur la Rideau Trail. À la fin de l’été, mes souliers étaient complètement ruinés.
L’année suivante je me suis équipée de bottes de marche imperméables. Il n’y a pas de mots pour exprimer à quel point mon expérience de randonnée s’en est trouvé améliorée.

Certaines sections méritent d’être explorées plus en profondeur.
Le sentier principal fait 327 kilomètres. Mais la Rideau Trail comprend aussi plusieurs kilomètres de sentiers secondaires. J’ai emprunté quelques-uns de ces sentiers, mais je me suis surtout concentrée à atteindre Kingston et le bout du sentier principal. Ce qui signifie qu’il me reste encore des kilomètres de sentier à explorer. Joie!
Parmi les sections où j’ai bien envie de retourner (et qui ont sans doute été mes préférées), se retrouvent Stony Swamp à Ottawa, le mont Foley à Westport, le parc provincial Frontenac et l’aire de conservation du lac Gould.
Je rajouterais bien à cette liste le parc provincial de Murphys Point, pour une journée où j’aurai assez de courage pour aller faire face à son importante population de serpents.

Je suis plus forte que je le croyais.
J’étais une randonneuse plutôt inexpérimentée quand j’ai commencé à parcourir la Rideau Trail. Au fil des kilomètres, j’en ai appris un peu plus sur mes capacités et mes limites. J’ai surtout appris que je suis plus forte que je le croyais.
Avant d’entreprendre ce défi, l’idée que je puisse marcher plus de 20 kilomètres par jour m’apparaissait insensée. Après tout, je ne me considérais pas comme la fille la plus active. Avec le temps, j’ai réalisé que non seulement j’avais la capacité de pouvoir marcher plus de 20 kilomètres, mais qu’en plus, j’aimais ça! Parcourir la Rideau Trail m’a donné assez de courage pour me lancer sur d’autres sentiers de longue distance et l’an dernier, j’ai parcouru les 55 kilomètres de la Causeway Coast Way en Irlande du Nord.
J’ai aussi réalisé que je suis plutôt têtue, et que lorsque je me lance dans un projet il n’y a rien, pas même des sections inondées ou des serpents, qui m’empêchera de me rendre jusqu’au bout!

Vous avez des questions sur la Rideau Trail? Posez-les dans les commentaires ci-dessous!
Mon parcours sur la Rideau Trail:
- Km 1 à Km 5 – Objectif Rideau Trail
- Km 5 à Km 25 – Au long de la rivière des Outaouais
- Km 25 à Km 35 – La nature sauvage de Stony Swamp
- Km 35 à Km 50 – Sur les chemins de campagne
- Km 50 à Km 80 – La forêt Marlborough et ses mouches à chevreuil
- Km 80 à Km 100 – Enfin, le canal!
- Km 100 à Km 125 – Un air d’automne à Smiths Falls
- Km 125 à Km 150 – 150 kilomètres plus loin
- Km 150 à Km 155 – De retour avec un nouvel objectif
- Km 155 à Km 175 – Passage par les mines de mica
- Km 175 à Km 180 – Il pleuvait des chenilles au parc provincial de Murphys Point
- Km 180 à Km 195 – Quand le canal se fait lac
- Km 195 à Km 215 – Montagne, sécheresse et ours à Westport
- Km 215 à Km 250 – L’automne le long du sentier de la Cataraqui
- Km 250 à Km 270 – La traversée du parc provincial Frontenac
- Km 270 à Km 290 – Braver novembre au lac Gould
- Km 290 à Km 327 – Kingston et la fin du sentier
Bonjour
Merci beaucoup pour ces informations et ce récit du rideau trail.
Je viens en août pour la première fois en visite au Canada et j’aurais 4 ou 5 jours de dispo pour une marche avec bivouacs, est-ce que tu me conseillerais le rideau trail ? Quelle section plutôt ? Sinon j’hesite à faire le chemin du fjord du Saguenay, qu’en penses-tu en comparaison ?
Merci d’avance pour tes conseils et bravo encore pour ton parcours
Bonjour! Je n’ai jamais fait le sentier du Fjord du Saguenay, mais j’en ai beaucoup entendu parler. La nature et les paysages y seront un peu plus spectaculaire que le long de la Rideau Trail (le fjord est magnifique). Et je pense que cette randonnée se prêterait mieux à ce que tu recherches. La Rideau Trail est bien jolie mais y passer plusieurs jours de suite est logistiquement plus compliqué parce qu’on ne peut pas dormir partout (alors qu’on retrouve des refuges le long du sentier du fjord). Sinon, tu peux aussi regarder du côté de la Traversée de Charlevoix, qui permet aussi de passer quelques jours sur un long sentier. J’espère que ça aide!