Après avoir passé quelques jours à parcourir la Causeway Coast Way en Irlande du Nord, j’ai décidé de passer une journée à Derry. Comme j’étais à Portrush, c’était plutôt facile pour moi de prendre le train jusqu’à la deuxième ville en importance de l’Irlande du Nord. Et je ne l’ai pas regretté, parce que la ville a un caractère particulier et vaut la peine d’être découverte.

Il faut d’abord spécifier que le nom même de la ville peut parfois porter à confusion (et reflète la dualité particulière de l’Irlande du Nord). Officiellement, elle est baptisée Londonderry, mais de l’autre côté de la frontière, en Irlande, on utilise le nom Derry (appellation qui est aussi préférée par les nationalistes d’Irlande du Nord). À plusieurs endroits (comme dans les transports en commun), on utilise l’appellation plus neutre de Derry/Londonderry.
Je suis donc débarquée une matinée à Derry/Londonderry avec près de 24 heures à passer dans la ville. Comme une bonne touriste, j’ai tout d’abord mis le cap vers la vieille ville fortifiée. Derry est la seule ville de l’Irlande qui a conservé ses murailles et est l’un des meilleurs exemples de ville fortifiée de toute l’Europe (assez curieusement, ça m’a rappelé Tallinn et sa vieille ville).

Ces fortifications ont été construites entre 1613 et 1619 et elles ont été cruciales pour la ville lors du Siège de Derry en 1688-1689. La ville avait alors subi le plus long siège de l’histoire britannique (105 jours!) lorsque les forces catholiques de Guillaume d’Orange ont tenté de soumettre la population largement protestante. Près de 4 000 personnes y ont perdu la vie, mais Derry et ses murailles ont tenu bon.
Les murailles sont demeurées largement intactes et les quatre portes d’origine de la ville fortifiée existent toujours (trois autres ont été rajoutées au cours des siècles suivants). Et ce qui rend la visite vraiment géniale est qu’il est possible de parcourir en entier les murailles qui font le tour de la vieille ville sur 1,5 kilomètres. Des panneaux d’interprétation donnent des explications sur différentes sections des murailles, sur les bâtiments qu’on aperçoit et sur des pans d’histoire de la ville. Il est aussi possible de voir de près (et de toucher!) les vieux canons des fortifications.

Du haut des murailles, il est aussi possible de voir les quartiers au-delà de la vieille ville fortifiée. Et là, comme c’est le cas à Belfast, il est possible de constater que les communautés protestantes et catholiques sont encore fortement divisées. Derry/Londonderry a aussi ses « murs de la paix » séparant les quartiers, et on retrouve de nombreuses murales pro-nationalistes du côté catholique.

Pour voir les murales de plus près, j’ai mis le cap sur le quartier de Bogside après ma visite de la vieille ville. Plusieurs considèrent que c’est à Bogside que les « Troubles » en Irlande du Nord ont véritablement commencé. En 1969, les résidents du quartier catholique se sont déclarés indépendants et ont barricadé les rues pour protéger « Derry libre » (Free Derry). Quelques années plus tard, 14 personnes participant à une marche pacifique sont mortes sous les balles des forces armées lors du Bloody Sunday, un événement qui a attisé les tensions dans toute la nation.

Marcher dans le Bogside, c’est donc plonger dans cette période sombre de l’Irlande du Nord. Les murales qu’on y retrouve sont percutantes et illustrent les moments marquants de l’histoire du quartier. Comme lors de ma visite à Belfast, j’ai été plutôt troublée d’en apprendre plus sur ces événements tragiques survenus à une époque pas si lointaine que ça.

J’ai quitté Derry le lendemain. J’ai pris le bus pour Dublin, laissant ainsi derrière moi l’Irlande du Nord et son histoire mouvementée. En passant à côté du tout récent Peace Bridge de la ville, qui se veut comme une poignée de main symbolique entre les communautés, je me suis mise à espérer un avenir plus rose pour cette nation aux paysages magnifiques et aux gens merveilleusement accueillants.
Chère Irlande du Nord, ce n’est qu’un aurevoir. Je reviendrai.
