Je lance une nouvelle série de textes afin de raconter des récits et anecdotes de voyage. Et pour l’occasion, aussi bien commencer là où tout a commencé, et de raconter la première fois où je suis partie à l’étranger… et où j’ai failli repartir aussitôt arrivée.
J’avais 21 ans et je rêvais de voir le monde. Mais à part quelques séjours aux États-Unis, je n’étais encore jamais vraiment sortie du Canada. Après avoir terminé l’université et obtenu mon premier emploi à temps plein, je me suis dit que c’était le moment de commencer à économiser afin de réaliser mon rêve : partir quelques mois à l’étranger.
Je n’ai pas choisi la destination la plus facile. Je rêvais de la Chine depuis des années, et je me suis mis en tête qu’aller y étudier pour apprendre le mandarin pourrait être un plus pour ma carrière. Je me suis déniché une école en ligne, j’ai acheté mes billets d’avion et j’ai attendu avec beaucoup d’angoisse qu’on accepte ma demande de visa. Puis, un beau matin de septembre, je me suis envolée vers Pékin, qui allait devenir mon domicile pour les trois mois suivants.
J’avais curieusement peu d’appréhensions avant d’arriver en Chine. Je n’avais en tête que les aventures que j’étais pour y vivre et les nouveaux amis que je m’y ferais. L’école s’occupait de me trouver un logement et d’envoyer quelqu’un me chercher à l’aéroport. Pour moi, rien de plus facile que cette arrivée dans l’une des villes les plus peuplées du monde.
Du moins, c’est ce que je croyais.

Ville étrange
Je ne sais pas exactement comment les choses ont commencé à apparaître moins roses pour moi. Après tout, mon arrivée s’est bien passée. Il y avait effectivement quelqu’un qui m’attendait à l’aéroport, Pei, qui m’a ensuite accompagnée jusqu’à mon nouvel appartement.
Mais Pékin n’était pas exactement comme je m’y attendais. Plus moderne. Mais aussi plus chaotique, plus bruyante et plus polluée. Lorsque le taxi nous a débarqués près de mon appartement, j’ai été un peu étourdie par la chaleur pesante, la cacophonie urbaine et l’air qui sentait le diesel et les épices. Sur le trottoir, un cordonnier ambulant s’affairait. Non loin, deux hommes qui disputaient une partie de mahjong ont levé les yeux pour me dévisager. Un policier dans la rue sifflait pour tenter de contrôler la circulation où se mêlaient vieilles motos, vélos avec plusieurs passagers et même un wagon tiré par une mule.

Après que j’aie déposé mes valises dans mon nouvel appartement, Pei m’a offert de me montrer l’épicerie la plus près. Ça tombait bien, parce qu’après mes 14 heures de vol, j’étais affamée. Mais à l’épicerie, j’ai véritablement compris l’ampleur de mon dépaysement. Je ne reconnaissais rien. Les marques, les produits, les fruits exotiques, les poissons dans les bacs d’eau, le comptoir de boucherie odorant, les étiquettes toutes en mandarin… Et j’avais l’impression que tout le monde me dévisageait curieusement.
J’ai pris au hasard une boîte de biscuits (Pei m’a par la suite appris qu’ils étaient à la citrouille, à ma grande déception) et j’ai dû me reprendre à deux reprises pour tendre le bon montant de yuan à la caissière.
Sentant naître une légère panique en moi, j’ai remercié et salué Pei rapidement avant de retourner à mon appartement et de m’enfermer dans ma chambre. Je venais d’atterrir dans une ville étrange dont je ne comprenais pas la langue et où je n’avais aucun repère.
Et, pour la première fois de ma vie, j’étais complètement seule.

Perdre le nord
Je croyais qu’une bonne nuit de sommeil améliorerait mon état, mais je me réveillée étourdie et nauséeuse. J’ai appelé mes parents pour leur raconter mon arrivée, mais mon air enjoué sonnait faux à mes oreilles et j’ai rapidement prétexté être trop fatiguée afin de mettre fin à la conversation. Puis je me suis recroquevillée dans mon lit, essayant de calmer l’angoisse qui me tordait l’estomac.
Je savais qu’il me faudrait sortir éventuellement pour au moins aller m’acheter à manger. Mais je n’osais même pas sortir de ma chambre. Par la fenêtre, je pouvais entendre les cris des vendeurs de rue et les moteurs des scooters. Un rappel que j’étais à des milliers de kilomètres de chez moi.
Pour essayer de me donner un peu de courage, j’ai déplié ma carte de Pékin sur mon lit. Mais j’ai alors réalisé avec horreur que je ne savais pas où j’étais. J’avais oublié de demander mon adresse à Pei ou le nom de la station de métro la plus près. J’étais dans l’une des plus grandes villes du monde, et je ne pouvais même pas dire dans quelle direction se trouvait le nord.
Je me suis alors sentie gagné par une crise d’anxiété. J’avais mal au cœur et la tête qui tournait. Cette idée de partir seule à l’étranger m’est à ce moment apparue comme la pire idée du monde. Comment est-ce que j’avais même pu me croire capable d’une telle aventure? J’ai soudainement eu envie de rentrer à la maison. Tout de suite.

Du fast food à la rescousse
Pendant que je magasinais les billets d’avion pour rentrer au Canada, j’ai réalisé que je n’aurai tout de même pas le choix de sortir de ma chambre. Je n’avais rien mangé depuis près de 24 heures (sauf un biscuit à la citrouille). J’ai décidé de mettre ma recherche de billets d’avion sur pause, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis enfin sortie de mon appartement.
Comme je n’avais aucune envie de retourner à l’épicerie, je me suis rappelée soudainement que Pei m’avait vaguement indiqué la direction dans laquelle se trouvait un McDonald la veille. J’ai décidé de tenter ma chance dans cette direction. Et après 10 minutes de marche, j’ai trouvé ce que je cherchais : les arches jaunes familières, indiquant l’emplacement de la fameuse chaîne américaine de fast food.
Le McDonald a curieusement eu un effet rassurant. L’intérieur ressemblait à celui des McDonald du Canada. Le menu était assez similaire. Même les frites goûtaient la même chose.
Pendant que se calmait peu à peu mon estomac, j’ai déplié à nouveau la carte de Pékin devant moi. J’avais croisé une station de métro pendant ma marche et, en parcourant du doigt la carte, j’ai pu situer l’endroit où je me trouvais. J’avais enfin retrouvé ma place dans l’univers et je me suis sentie tout à coup mieux.
J’ai passé le reste de l’après-midi à déambuler dans les rues et les parcs. Mon anxiété s’est calmée, et elle a fait place à une tranquille curiosité pour ce qui m’entourait. J’ai su alors que je n’achèterais pas ce billet d’avion pour rentrer au Canada. Que j’allais rester.
Et je ne l’ai pas regretté.

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